Exercices Matinaux

hj: je peux venir? désolée du flood mais c'est un moment d'extrême difficulté pour ton personnage alors je demande!^^

hj: oui pas de problème ! j'essaie d'attaquer mais c'est ouvert à tous ^^ donc welcome !

hj: j'arrive aussi du coup!

J'entends de loin une pauvre âme qui s'entraine au chant. Bon sang, et dire qu'il va falloir que je prenne des cours particuliers avec Klaatu si je veux avoir une chance de faire partie de la comédie musicale... Je m'approche, sans bruit. Une jeune fille, celle du dortoir, essaye d'atteindre une note bien élevée. C'est pas si mal, mais elle a l'air désespérée... Je ne veux pas la déranger, mais je ne peux pas faire autrement... Je ne sais pas trop comment faire. Alors j'essaye de passer le plus discrètement possible...

Je soupire. Les choses semblent s'améliorer peu à peu, mais je ne suis pas certaine que la fraîcheur matinale est vraiment bonne pour chanter... Je me demande si Klaatu aura des conseils à me donner. J'adore cette chanson, et si je n'arrive plus à monter, jamais je n'y arriverais...

Je sors de mes pensés et apperçoit quelqu'un. Je la reconnais, une fille du dortoir... Canelle, je crois. Je lui fait un signe de la main et m'approche.

- Salut ! Bien dormi? Toi aussi tu es tombée du lit?

Je souris, la pauvre, je l'ai dérangée. Il faut dire que ladiscrétion, ce n'est pas mon fort...

-Salut! Désolée, je t'ai dérangée, je ne voulais pas... Je me réveille toujours très tôt, je suis une petite dormeuse. Et là, j'ai très mal dormi, alors ça te donne une idée! Mais ça n'a rien de dramatique! C'était très beau, ce que tu chantais. C'était quoi?

Mal dormi, c'est un doux euphémisme, j'ai carrément passé une nuit blanche... Il faut dire qu'en ce moment, les sujets d'angoisse, il n'en manque pas...

-Tu t'habitues au lycée?

- Tu ne me déranges pas... De toute façon, je crois qu'il valait mieux faire cesser ce massacre. Safeguard to Paradise d'Epica n'a vraiment pas mérité ce genre de traitement.

Avouer ma défaite me rend un peu bougon, mais je me ressaisie. Canelle n'a pas à pâtir de ma frustration, et avoir une discution normale avec un autre être humain me remontra peut-être. J'affiche un sourire qui se veut enthousiaste et continue.

- Oui, je dois admettre qu'il est assez aisé de se sentir bien ici. L'aspect "dortoire" est un peu nouveau et nécessite de l'acclimatation, mais c'est plus facile que je n'aurais cru.

C'est vrai que passer d'une chambre isolée et d'un minimum de contacts humains à la vie de dortoire avec des filles assez amicales et partageant de près ou de loin la même passion de moi est un changement radical, et étrangement, pas désagréable... A méditer.

- Et toi? Je veux dire... pourquoi un si mauvais sommeil? si je peux demander, bien sûr... C'est le retour au dortoire?

-Moi je trouve que tu chantais très bien. En même temps, je ne suis pas la référence musicale du lycée, loin s'en faut! C'est bien que tu t'habitues. La plupart ont du mal à s'adapter au côté communauté du lycée.

Je souris à sa question, si je commence à raconter, j'en ai pour des heures. Mais nous avons le temps, non?

-En fait, non, ce n'est pas la faute du dortoir. Je ne sais plus trop où j'en suis entre mon copain, les séances peintures, la comédie musicale... J'ai la tête qui explose, je suis sous pression de façon permanente. Mais ce n'est pas très clair ce que je dis, si?

Je réexplique, calmement: déjà que moi j'ai du mal à mettre de l'ordre alors un observateur extérieur...

-Je suis avec Laurent depuis un an, ça a été tout de suite évident, avec lui, on s'entend très bien, tout va bien. Mais je dois être une fille compliquée, je n'arrive plus à supporter d'entendre "Canelle-et-Laurent" comme si on n'était plus qu'une seule et même personne.. Alors du coup, j'essaye de me détacher, mais ça crée des problèmes à n'en plus finir, on n'est plus du tout sur la même longueur d'ondes, je passe mon temps à le fuir et à lui mentir. D'où les séances peintures! Je ne lui ai pas dit que je posais pour Gaspard alors que bon, je ne suis pas modèle, le seul qui m'a dessinée avant Gaspard, c'est Laurent. Bref, sac de noeuds... Et en plus de tout cela, j'ai appris que Robin voulait monter une comédie musicale. Super idée, sauf que je ne sais pas chanter et que rien que de parler musique, j'ai déjà des frissons d'horreur... Mais au fait, j'y pense, tu connais Gaspard?

Je me rends bien compte que mon discours est incohérent, mais je n'y peux rien, c'est le bazar dans ma tête, en ce moment...

Hola, pauvre Canelle... Dire que je pensais avoir des soucis, là c'est carément Beyrouth pendant les émeutes... Je ne suis pas certaine d'être la mieux placée pour lui donner des conseils, mais je ne peux pas la laisser comme cela.

- Alors, dans le désordre... Non, je ne sais pas qui est Gaspard. j'avoue que je n'ai pas vraiment mis des noms sur tout les visages. Je n'ai pas rencontré le tiers de la moitié du quart des autres élèves. Ensuite, pour le chant, bah... je ne suis pas prof, mais si tu veux essayer de ratraper un peu avec moi, en toute simplicité, si Klaatu est trop occupé, je veux bien essayer de t'aider.

Quant à son problème avec son petit copain, là c'est terrain miné. Comment dire les choses sans la blesser...

- Ensuite, pour Laurent, je ne sais pas... Je suis loin de m'y connaitre en relations amoureuses, mais il n'y a qu'un seul précepte auquel je réponde, en tout au final. C'est "fait ce que tu aimes". Alors, j'imagine qu'une fois étendu à un couple, ce serait du genre... "ne reste qu'avec celui que tu aimes" ?

Même moi je ne suis pas convaincue, et cela doit se lire comme le nez au milieu de la figure. Sur le point de vue théorique, pourquoi pas, mais tout le monde sait que sur un plan pratique, il n'y a pas de manuel de survie pour les relations amoureuses. S'il y en avait, il aurait moins de divorces, tromperies, et autres histoires amoureuses sordides.

- Oui, je sais, plus facile à dire qu'à faire... marmoné-je.

Douée comme je le suis, si cela se trouve, je lui ai pourri sa journée... Pourtant, après tout, c'est souvent les personnes que l'on connait le moins qui nous disent les choses avec le moins d'embarras. J'aime bien Canelle, et je ne suis pas certaine qu'elle ait mérité un tel marasme...

Je soupire:

-Oui, c'est sûr, tu as raison. Mais la question n'est pas "est-ce que je l'aime", enfin, je ne crois pas... Je suis amoureuse de lui, le problème c'est que je ne veux pas me laisser enfermer dans un rôle, celui de la copine parfaite, ou pire, du couple mythique du bahut. L'année dernière déjà j'entendais des réflexions du genre: "oh oui, Canelle-et-Laurent, oui, ils sont très gentils." Comme si nous n'avions pas d'indépendance l'un par rapport à l'autre. Et ça, je ne supporte pas. Je sais bien que ça ne devrait pas être important mais voilà, ça l'est pour moi...

Et en même temps, il y a Gaspard... Gaspard, et son sourire énigmatique, et son regard rêveur, et sa voix profonde... Mais ça, je ne dois pas y penser, parce que ce problème là en plus, je ne gère plus rien!

-Gaspard, c'est un spécialiste en arts graphiques, il est en terminale. Grand, brun, les cheveux en désordre, deux énormes faussettes quand il sourit. Très réservé.

Et des mains d'une douceur infinie...

-Merci pour ta propositon de cours en chant, j'accepte avec joie! Mais tu vas y laisser tes oreilles, je chante vraiment très mal, tu sais! Mais toi, dis-moi, pourquoi es-tu debout si tôt? Tu as des soucis?

Je me masse machinalement la nuque, tentant de cacher mon malaise comme je peux. Ce qui me taraude depuis que je suis arrivé ici peut paraitre bien stupide, mais c'est vrai que cela me tourne en rond dans la tête de façon lancinante, et pouvoir en parler... Je n'y pensais pas vraiment.

- Pour diverses raisons en fait... Déjà, je commence à sentir le décalage au niveau du soleil... bon, pas énormément, mais cela suffit à me faire me lever. Et comme je voulais prendre le temps de courir un peu, ca tombe plutôt bien.

Bon, allez me je lance. Après tout, elle n'était pas obligée de me parler de Laurent ni de ses autres problèmes...

- Et puis une chose me tracasse... J'ai peur de ne pas être à la hauteur de ce qu'on va attendre de moi. Briony m'a dit que Klaatu allait nous faire travailler sur un morceau inconu, et ca me paralyse... même si elle a ajouté qu'il s'interressait plus à nos progrès qu'à autre chose... J'ai travaillé comme une forcenée pour entrer ici, mais j'ai un peu triché.

Comment dire cela sans paser pour une folle? Ou une incapable...

- En fait, je ne sais pas lire la musique... Pas DU TOUT. J'ai appris par coeur avant les auditions les morceaux qu'on pourrait me demander de jouer, histoire de ne pas à avoir à déchiffrer quoi que ce soit. Mais rétrospectivement, je me dis que cette idée était totalement foireuse... A quoi cela me servirait-il d'avoir travaillé comme un forçat si c'est pour me faire virer au premier cours de chant ou de musique? Avec cela, j'ai perdu en chant, et c'est frustrant... J'ai l'impression de perdre pied, et ca me rend nerveuse et un tantinet agressive. Je sens cela monter tout doucement, et douée comme je suis, je vais finir par agresser un prof.

Je comprends bien son malaise, en première année, on a tous le doute qui nous taraude. Est-ce qu'ils ne nous ont pas choisis à tort, est-ce qu'ils vont nous garder? Et en plus, là, elle s'angoisse par ce que... Eh bien parce qu'elle ne sait pas lire la musique. Moi non plus, du reste, mais moi, ce n'est pas ma spécialité...
Mais qu'elle se rassure, il n'y aura aucun problème, j'en suis persuadée.

-Tu dois être très douée si tu as réussi les auditions sans lire la musique! Alors nul doute que Klaatu te gardera! Il n'est pas vraiment ce qu'on pourrait appeler un "fou furieux de la technique". S'il voit que tu es douée, peu lui importera que tu aies une lecture musicale digne d'un chef d'orchestre chevronné! C'est ce qui est bien avec lui, d'ailleurs. Et il n'est pas du genre à s'énerver ou à provoquer de l'énervement chez les élèves. Il est très psychologue, crois moi, j'en sais quelque chose! Moi et la musique, on est plutôt fâchés. On est même fâchés à mort! Eh bien crois-le ou non, je n'ai jamais eu de problèmes avec Klaatu. Pourtant, je suis vraiment nulle. Il essaye toujours de t'aider, quoi qu'il arrive. Et si tu lui parles de tes problèmes, il essayera toujours de les résoudre. Si tu restes zen, tu verras, tout ira bien. Après, je sais que c'est difficile de ne pas angoisser. Mais je suis certaine que ça va vite passer!

Les paroles appaisantes de Canelle font se lever un soleil nouveau sur ma journée. Klaatu semble vraiment faire l'unanimité, tant mieux. Et puis je verrais bien après tout. Cependant, je ne peux nier que l'aura qui semble auréoler ce professeur a tout pour me rassurer. Comme à chaque fois que mon esprit s'allège, je sens mes épaules se décontracter et ma nuque retrouver un peu de sa mobilité... C'est dingue de pouvoir contenir autant d'insécurité... Un jour, je finir fixe et droite comme une planche de balançoire sans espoir de retour à la vie! J'ai besoin de me déntendre les jambes, trop d'inactivité après avoir courru ne m'apportera que des courbatures.

- On fait le tour du lac?

Puis, reprenant le fil de notre conversation, ou plutôt de mes pensés chaotiques, j'embraye sur quelque chose qui me trotte dans la tête.

- Donc toi, ta spécialité, c'est le théâtre... Comment c'est né? Je veux dire, bon c'est peut-être parce que je suis une catastrophe dès qu'on parle d'expression corporelle ou de jouer le rôle de quelqu'un d'autre...

J'ai déjà assez du mal à jouer mon propre rôle...

- ... mais je me demandais comment tu as développé une passion pour le théâtre?

-Oui, faisons le tour du lac!

Je la suis et réponds à sa question, question qui se pose incontestablement à tout artiste: pourquoi?

-Je suis née dans le milieu du spectacle, si tu veux. Mes parents sont comédiens tous les deux et j'ai donc été élevée dans le théâtre. Au lieu de me lire des histoires, ma mère me les jouait. Quand tu baignes dans un art, soit tu le rejettes complètement, soit tu l'adoptes. Et je crois que j'avais la fibre du théâtre en moi, alors je l'ai adopté, rien de plus facile! Et quand tu aimes lire et que tu n'as que du théâtre sous la main par exemple, eh bien tu lis du théâtre, que tu aies six ans ou dix sept! C'est naturel, pour moi, de lire du théâtre, de le voir, de jouer. Je n'imagine pas ma vie sans, elle serait d'une intolérable platitude. Et toi alors, ta passion dévorante pour la musique? Elle est née comment? Imprégnation, découverte? Coup de foudre?

- Ca a du être formidable de baigner dedans dès toute petite ! Moi ça a surtout été le hasard. Un double hasard... J'ai toujours chanté... dès que j'ai su parlé, pour moi je l'ai toujours ressenti comme un moyen d'exprimer ce que je ne pouvais pas dire en parlant. Et pour le violoncelle, mon père en avait un... Mais n'en jouait plus. Cela avait dû être le fruit d'une tocade qu'il a dû abandonner faute de temps. J'ai découvert son instrument un jour que je m'ennuyais, je l'avais peut-être vu jouer une ou deux fois, donc j'avais une vague idée de la façon dont on le tenait... J'ai essayé, j'ai aimé, je ne l'ai plus quitté. Papa m'a enseigné les bases et j'ai très vite volé de mes propres ailes... comme si l'archet était vraiment le prolongement de mon bras, de mon esprit... C'est une sensation assez surprenante. Par la suite, je me suis heurtée et opposée à mes prof, mais j'ai tenu bon, eux pas...

Je ris lorsqu'elle dit "j'ai tenu bon, pas eux". C'est sûr, elle a l'air d'avoir un sacré caractère, et c'est un très bon point. Les faibles brebis, dans le milieu artistique, ça ne dure pas longtemps, j'en ai vu trop pour me faire des illusions. Pas besoin d'être constamment en révolte, mais ce qui est sûr, c'est qu'il faut savoir où on veut aller. Si on se laisse guider, on va vite dans le mur, et c'est inévitable.

-Oui, je crois que c'est formateur, effectivement, de voir le milieu en action. Ca ne fait pas tout, mais au moins, on se rend compte des réalités des choses... Du travail surtout qu'il faut fournir, et pas seulement des paillettes. Après, c'est pareil, ça demande de ne pas se laisser influencer non plus par le milieu. Il faut prendre du recul, sinon, tu te fais aspirer.